30 mars 2009
Le vide et le plein

La pluie d'hier a nettoyé la ville et fait fondre un peu les tas de neige. Retour en ville à regret. J'aurai voulu flâner plus encore dans ma maison du nord. Je réalise combien les soucis d'ordre économique et pratique de la ville, et des enfants, m'ont détourné de la maison, de mes livres, de mon feu de foyer. Il y a aussi le chinois et la calligraphie. Mes parents pour l'immédiat et la projection vers l'avenir. Mais j'assume la part écartelée de ma vie, et aussi quelque chose de vide de créativité. J'y reviendrai à cela.

Hier donc, je suis revenue vers tout ce qui a de très pratique. Comme blanchir la dizaine de brocolis que je met en sacs individuels pour les fils, et pour nous aussi. Comme ouvrir la maison aux visiteurs, et acheteurs éventuels, du perchoir. Et faire le marché avec un des fils et, inspirer par sa présence, acheter des viandes pour cuisiner comme je n'ai plus fait depuis quelque temps.

Aujourd'hui, vague d'écoeurantite pour toute l'assiduité des derniers mois. Au programme, j'avais prévu prendre beaucoup de temps avec mes parents. Les amener manger un poisson à l'étuvée, un homard sauté au gingembre, une soupe aigre-douce aux crevettes. Ma présence et mon bavardage, le poisson et le homard aidant, ont remis de l'éclat aux yeux de ma mère qui a pu oublier ses douleurs un peu. «Il me manque le soleil», disait-elle. «Douze jours encore, maman, après Pâques, tu pourras aller dans ton jardin», disais-je, pour la nourrir d'espoir.

Au marché oriental, j'achète une caisse de mangues, un papaye, de l'huile de sésame, des crevettes congelées. À la pharmacie, mes parents font provision de médicaments pour le mois. De retour, aux cartes, mon père fait à sa tête. Enfin, une bonne journée passée avec eux.

Ce soir, je mange encore trop. À TV5, je suis un reportage fascinant, Créateurs de légende sur la préparation des défilés de haute couture, et le processus de création de joaillerie. Me revient le goût du beau, mais aussi de la création. À lui, je dis: «Je réalise combien c'est vide, ce que l'on fait dans le domaine des services! On ne créé rien!»

Ressentir donc depuis ce matin quelque chose de vain, de futile. Pourquoi se poser trop de question, me direz-vous? Oui, pourquoi donc? Les parents de la blonde du plus jeune nous invitent à souper bientôt, pour faire connaissance, disent-ils. Moi qui cherche un sens à tout, j'ai demandé à fiston: «Vas-tu te marier, fils?» - «Mais non, disait-il, ce sera juste convivial!» Pendant ce temps-là, l'autre blonde, la compliquée, ne vient pas souper avec nous, prétextant des sorties de cabane à sucre, pendant deux semaines de suite. En fait, elle ne veut pas nous revoir encore, après ruptures et drames, je la comprend. De fait, elle n'a repris le fils que dans son lit, pas devant ses amis. Quel gâchis, mais c'est la vie!

Je me relis et déjà ma pensée se transforme. Je me dis qu'il faut que je lise François Cheng et Nicolas Bouvier qui ont écrit tous les deux sur le vide et le plein. Et puis je repenses au chinois que j'apprends et le sens de l'espace (du vide) qu'il y a dans la calligraphie pour exprimer l'harmonie. Je repense au Tao, au texte du Dao de Jing, à chacun des 81 versets. À tout ce que j'ai à lire, à étudier, à apprendre encore. Et je me sens apaisée. Et peut-être pleine, un jour, du moins je l'espère.

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