08 avril 2001 Identité et écriture
Extraits de ce chapitre du livre de Pierre Bertrand, intitulé « Éloge de la fragilité » :
« Par l’écriture, autant du côté de celui qui écrit que du côté de celui qui lit, on met de côté les mesquineries qui ont tendance à occuper tellement de place dans la vie ordinaire, pour se confondre à l’essentiel, même si on ne le comprend pas, même s’il n’est pas toujours réconfortant, même si, au contraire, il met tout en question. » (p.64)
« Dans l’écriture, nous perdons nos garde-fous, nous sortons des habitudes qui nous sécurisent, nos ôtons nos masques, nous devenons nus comme à la naissance ou à la mort. C’est en nous que l’écriture creuse l’écart, fêle l’identité, troue l’être. » (p.64)
« S’il est vrai que le style, c’est l’homme, et que la marque de l’individualité est le style, celui-ci est un produit immanent de ce que nous sommes. » (p.64)
« C’est parce que nous sommes malades que nous écrivons, parce que l’écriture est la meilleure thérapie que nous connaissions. C’est parce que la réalité en place nous semble passer à côté de l’essentiel et que, donc, nous étouffons en elle. » (p.76)
« L’écriture tentera de pointer du doigt ce qu’on ne peut ni penser ni dire. » (p.77)
« Ce qui est autobiographique n’est pas personnel pour autant, car au fond d’eux-mêmes, et pour l’essentiel, tous les humains sont semblables. » (p.77-78)
« Il y a un grand paradoxe dans l’acte d’écrire. On écrit pour mettre en lumière ce qui est laissé dans l’ombre. Mais le risque est que la nouvelle vérité dégénère à son tour en cliché. » (p.83)
« La question pourquoi écrire? est une vaste question et suppose donc une multiplicité de réponses. Nous écrivons parce que nous voulons nous perdre, … Nous écrivons pour passer inaperçus, non pas en nous masquant, mais au contraire en nous démasquant, car ce sont les masques qui nous identifient, alors que le visage nu est un pur inconnu … On écrit pour défier la mort et ce que celle-ci comporte de clichés et de trop évidente clarté … Nous écrivons parce que nous ne savons pas parler … En écrivant l’homme fait le bilan de sa vie en même temps qu’il trace une ligne de fuite qui entraîne celle-ci plus loin … Il y a dans l’écriture un double mouvement. D’une part, elle renvoie à des événements, des affects, des rapports de force, des conflits qui se déroulent dans la vie quotidienne. L’écriture donne une forme à l’informe de la vie tente d’effectuer une percée dans les impasses de la vie. Mais d’autre part, l’écriture crée en elle-même, en son parcours ou en sa production même, une réalité qui se suffit. » (p85-89)
« En même temps – et tout cela doit être tenu ensemble – on écrit pour le pur plaisir d’inventer. » (p.92)
« L’écriture pointe du doigt ce qui la dépasse. Elle n’est qu’un moment de la vie, même si ce moment est particulièrement intense. La vie continue en dehors de l’écriture. » (p.105)
Faut-il ajouter que l’auteur Pierre Bertrand enseigne la philosophie. Il disserte sur l’écriture des écrivains, évidemment. Comme diariste, je me retrouve dans une certaine mesure, dans plusieurs de ses propos. Non pas parce que pour moi, être diariste est une forme d’avorton d’écrivain, ou « écriveux » comme certains se plaisent à dire avec une certaine dérision. Mais vraiment : … « faire le bilan de ma vie, en même temps que tracer une ligne de fuite qui entraîne celle-ci plus loin » !
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