10 novembre 2004
De la cage de verre

Doucement je me nourris. Tranquillement je marche, en faisant attention à mon estomac barbouillé. La journée passe. Dans ce temps immobile, j'aurai voulu être chez moi, à La Dolphine. Mais je suis ici au perchoir. Alors que la femme de ménage frotte, j'essaie de ne pas être sur son chemin. En après-midi quelqu'un m'a fâchée au téléphone. J'ai élevé le ton. J'imagine que c'est le signal que je suis en voie d'être sortie de maladie. À preuve, j'ai cuisiné avec cette viande qui m'attendait depuis deux jours au frigo. Le plat est succulent: de la cuisse de porc coupée en morceaux cuite en cocotte, salée, caramelisée, avec des oeufs cuits durs qui brunissent au contact de la sauce. Servi avec du riz blanc fraîchement étuvé, c'est un plat que l'on appelle du "comfort food". Il paraît que je l'ai particulièrement réussi ce soir. Ma petite maisonnée mange avec appétit.

Ce soir, j'ai une réunion pour mes affaires collectives. Une deuxième réunion qui avance à grands pas. À la deuxième réunion, bien sûr, la cohésion s'installe. Débat d'idées, et solutions pratiques. Je suis bien guérie du virus des derniers jours. Dans cette tour du centre-ville, je vois des gens quitter leurs bureaux à 21h. Quelle vie! D'autres se font livrer une pizza. Le livreur doit bien sûr attendre dans le grand hall avec le gardien de sécurité, le temps qu'un bonhomme descend de cinquante étages plus haut, en bras de chemise, pour payer et prendre livraison. Pendant ce temps-là, une petite femme blonde passe en disant au revoir au gardien de sécurité et : "À lundi, parce que je vais à Toronto demain!". Elle tire sa valise sur roulettes déjà, j'espère qu'elle ne va pas dormir avec ses dossiers à l'aéroport. Une autre jeune femme passe avec son porte-documents, son "laptop" et son sac à lunch. Deux autres personnes, un homme et une femme, présentent leur carte de sécurité, avant de partir avec leurs valises sur roulettes aussi.

J'attendais mon mari qui doit venir me chercher, voilà qu'il faut que je remonte parce que j'ai laissé mes papiers au toilette du 25è étage. J'ai dû attendre un gardien de sécurité pour me faire escorter et ouvrir bien sûr comme je ne suis que visiteuse. Je regarde tout ce zoo dans cette cage de verre et je pense à deux de mes fils qui s'enlignent à l'université en administration. L'un me dit qu'il veut faire "finances", je le vois déjà avec son porte-documents, mangeant sa pizza assez tard en soirée, catégorisé, classé, codé, cravaté bien sûr, attendant son bonus de Noël, pressé, décompressé, stressé, déstressé, noué, dénoué. Même sa mère, je ne le comprendrai plus ... Vais-je continuer à répandre beaucoup d'amour, à dépenser beaucoup d'argent pour en faire un numéro classé et orchestré dans cette société?

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