04 octobre 2002
Mission tendresse

J'ai été en mission réconciliation aujourd'hui, après hier, les tourtereaux sont tout miel l'un pour l'autre, alors que je fais comme de rien n'était, les amenant manger au centre-ville, bavardant de tout et de rien, sous un ciel venteux mais les éclaircies se font de plus en plus fréquentes! À 17h, quand je les ai ramenés, j'étais contente mais lasse. Eux aussi, de se retrouver dans leur décor et leurs habitudes. Peut-être que l'incident d'hier n'était qu'une bravade à la routine!

Chez moi, mon petit mari m'attend. Peut-être m'a-t'il-dit tendrement, six fois, dans la soirée qu'il m'aime. Je suis toujours décontenancée quand cela arrive, même si ce n'est pas rare. Mais il y a des périodes où cette tendresse déferle en vague de complicité rassurante qui balaie toute autre incertitude, au-delà du domaine de la vie de couple, jusque dans son assurance dans la vie sous toutes les coutures. Mon mari est le premier citoyen de tous mes mondes.

Vous êtes curieux de savoir comment je répond à cet amour. Et bien, je ne répond jamais: "Moi aussi, mon chou, mon lapin!" Mais un rare: "Je t'aime, poupou!" Jamais en écho à ses mots, mais toujours plus tard, en un autre temps. Sauf qu'il y a une multitude de gestes et de regards lumineux dans cet espace intime dans lequel nous évoluons, indépendamment du lieu ou de l'instant. Pour un vieux couple comme nous, les moments de complicité ne sont pas rares, mais chaque fois renouvelés et surprenants. Enfin pour moi. Pour lui, c'est toujours cette conviction tranquille ...

Il y a ma fille qui a pris la peine de copier cette partie du livre "L'île des gauchers" d'Alexandre Jardin, de me l'envoyer par mail, du haut de son 62è parallèle:

C'est la cérémonie de mariage sur l'île des gauchers ...

(...), le serment des hommes était infiniment plus long que celui que l'on exigeait des femmes. Dans sa sagesse, le clergé de Port-Espérance avait jugé prudent d'être précis avec les hommes, toujours plus lents à comprendre certaines choses.

- Jeremy Cigogne, fils de William Philby, promets-tu de bâtir de tes mains une maison pour Emily Pendleton, et de faire évoluer son architecture au fil de votre vie?

(C'est la coutume sur l'île des gauchers, tout est fait sur mesure pour convenir à la femme ...)

- I swear.

(C'est un anglais, alors que le français est la langue de l'île, mais il parle aussi le français)

- Pardon, jeune homme?
- Je le jure.
- Promets-tu d'inventer pour elle un quotidien au lieu de laisser les jours s'écouler? Et, l'Église insiste, promets-tu d'imaginer toujours de nouveaux rites qui soient propres à votre couple?
- I do.
- Jures-tu de lui offrir ses rêves de petite fille et de femme, érotiques et autres?
- I solemnly swear that I will.
- La feras-tu rire chaque dimanche, le jour de notre seigneur?
- Je m'y efforcerai...
- Promets-tu de lui offrir un zubial et de venir à elle après en avoir apprivoisé un toi-même?

(Un zubial est un marsupial bien "cute" qui partage instantanément tes émotions, ce qui fait que chaque couple marié en possède un comme baromètre sentimental, quand ils se chicannent pour des niaiseries, le zubial se tord de rire, quand le couple va très mal, il devient sinistre, et ainsi de suite...)

- C'est chose faite, my lord bishop.
- Écouteras-tu toujours ce qu'Emily te dira et ce qu'elle ne parviendra pas à te dire?
- Je le jure.
-Promets-tu de toujours lui pardonner?
- Well... je le promets.
- Jeremy, jures-tu de respecter les aspirations contradictoires de ta future épouse, sans jamais chercher à la simplifier?
- Oui.
- Promets-tu d'essayer de toujours être présent dans les moments que vous partagerez?
- Yes, I swear.
- T'efforceras-tu de lui parler d'amour par symboles, en privilégiant ce langage?
- Je le jure!
- Promets-tu de régner sur son imagination?
- Hum... hésita Cigogne, yes.
- Alors tu es un fou, mon fils, mais tu viens de commettre la plus belle folie de ta vie!

Puis l'évêque se tourna vers Emily et lui posa une seule question; le reste allait de soi:
- Emily Pendleton, fille du pasteur Malcolm Pendleton, reconnais-tu que tu n'auras jamais aucun droit sur Jeremy, sinon de le laisser vivre sans trop lui casser les pieds?
- Je le reconnais.
- Alors au nom de Notre Seigneur, je vous déclare mari et femme selon les traditions gauchères, pour le meilleur; le pire, laissez-le aux droitiers! (...)

Incidemment, ma fille et moi, sont gauchères! Je ne trouve pas le livre dans mes bibliothèques mais je ne suis pas sûre de ne pas l'avoir (mon inventaire est loin d'être à jour!), mais je ne me précipiterai pas d'en acheter un tout de suite, pour ne pas risquer un double (un autre?) ...

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