08 juillet 2001
Impressions sur le beau pays (2)

Matin limpide dans cette chambre aux rideaux, couvre-lits et tapisserie si fleuris et si douillets que mon fils a peine à se lever. Mais quand même, le buffet du déjeuner nous appelle ... Une table variée avec des fruits si frais où l'on ressent l'orgueil de l'hôte et de sa cuisine. Vous ai-je dit que le chef est ... japonais et sa femme chef pâtissière! Et puis l'auberge La Muse est celle-là qui figure sur la page couverture du recueil des Gîtes du passant du Québec de cette année. On se gâte ou on se gâte pas!

Après le déjeuner, mes deux hommes, le petit comme le grand, retournent ... se coucher, alors que moi, je pars pour la tournée des galeries. J'y suis si tôt que les portes ne sont pas toutes ouvertes, alors je marche sur cet étroit trottoir le long de la rue St-Jean-Baptiste, au coeur du village. Les maisons sont bien anciennes avec bien des couches de peinture aux portes et fenêtres pour une protection des plus sommaires. Disons qu'il y a une galerie à toutes les cinq portes, et un gîte à tous les dix. Entre gîtes et galeries, nichent des gens bien ordinaires, j'imagine, ou bien des vieux qui passent des jours tranquilles dans la maison de leur naissance. Je sais, je sais, un vrai cliché que je dis là, mais les fables habitent bien notre imaginaire. C'est quand même mieux que d'imaginer cyniquement que quelques spéculateurs verreux ont dépossédé les vieux et attendent, tapis dans l'ombre, le triomphe de leur spéculation ... Au bout de la rue, de l'autre côté de la rivière du Goufre, niche l'autre partie du village, la partie non touristique, j'imagine.

Après la promenade, me voilà dans les galeries, l'enchantement des yeux a besoin d'un peu de temps pour vraiment aller de son libre cours, au début, on dirait que l'on est freiné par la prudence de se faire sauter dessus par les vendeuses, promues conseillères en art. Naturellement, elles discourent, d'un bon ton pour la plupart. Mais on sent quand même qu'elles vous évaluent, vous soupèsent, d'une part votre connaissance des tableaux et des artistes, d'autre part, votre attitude face à un achat plus ou moins imminent. Il faut que je confesse que j'ai depuis longtemps rêvé de venir à Baie-St-Paul pour le bain de l'art certes, mais aussi avec le secret désir d'en acheter. Alors voilà, je me suis laisser faire, non pas pour un paysage tout charlevoisien, mais pour un paysage intérieur plus introspectif que souriant, d'une artiste du Saguenay. Mais je ne l'ai pas acheté tout de suite, préférant le montrer à mon mari et avoir son aval avant. Quelque féministe aurait ricané de ma "soumission", mais je souscris avant tout à l'harmonie familiale. Malgré que mon mari n'aurait jamais acheté un tableau, il n'a pas argumenté du tout et acquiesce à l'achat, après l'avoir vu quelques minutes. N'est-ce pas que c'est beau, au lieu de lui imposer un fait accompli?

Nous avons passé l'après-midi dans l'arrière-pays, au parc des Hautes-Gorges de la rivière Malbaie. La nature majestueuse est à son apogée dans cette réserve faunique de la biosphère. Monts et vallées sont à perte de vue, la petite promenade en bateau-mouche sur les eaux mortes de la rivière (dénivellation presque zéro) n'ajoute rien aux souvenirs, mais démontre l'attachement des gens à leur histoire de draveurs (transport des pitounes de bois par le cours d'eau). Quand la petite guide, aux tresses rousses et au petit minois qui lui donnent des airs de Ann of Green Gables, mentionne que nous sommes en présence des monts les plus hauts, à l'est des Rocheuses, je mesure la distance en pensant à mes scouts qui sont, au moment même, dans les Rocheuses, et nous ici, au pied de l'Acropole des draveurs. Il paraît qu'il y a un sentier qui prend cinq ou six heures à escalader pour monter au sommet de l'Acropole à 1074 mètres d'altitude, mon fils se promet d'y retourner. Moi-même, je veux bien, dans ces splendeurs naturelles, faire du canot, du camping et de l'escalade, un de ces jours avec mes grands garçons comme guide, aide et motivant. Ici, nous oublions la ville et ses tourments.

À la fin de l'après-midi, nous repartons. Les Éboulements avec la très longue et fameuses côte où il y avait eu un grand accident mortel avec un autobus, St-Joseph-de-la-rive, et voilà le traversier vers l'Île-aux Coudres. Nous y sommes en peu de temps, l'île est bucolique en cette fin de jour. Le tour de l'île se fait rapidement. À tout hasard, mon mari se renseigne pour trouver une connaissance. Et oui, on le connaît, malgré qu'il ne soit pas un Bouchard, ou un Dufour, des familles qui dominent encore l'île, perpétuant leurs longues racines et leurs traditions. Peu d'attraction comme telle sur l'île, mais l'aperçu du fleuve St-Laurent qui est assez large où l'on se trouve y est pour beaucoup. Nous nous sommes installés pour la nuit dans cette auberge, les Églantiers, située sur la crête, avec vue en plongée vers le large. La chambre y est simple, très dépouillée mais confortable. Alors que la marée se retire, nous voilà attablés au restaurant "La Mer veille", une fierté de l'île mais une cuisine quand même simpliste pour les goûteurs que nous sommes devenus (!). Se faire servir des pommes de terre à la grecque (oui, oui, c'est comme ça que l'on les présente) alors qu'on veut une pomme au four, et une coquille St-Jacques au goût de goberge, c'est quelque peu choquant, mais l'anse bucolique est là, sous les yeux, alors on pardonne tout!

Depuis quelques jours, avec le régime des entrées-gourmet, des plats de résistance fournis et des sorties-desserts-gourmand, nous n'en pouvons plus. Au dodo tôt ce soir donc! Rideau sur le jour 2 enchanteur!

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