06 août 2000
Chinoiseries

Depuis hier donc, je suis plus chinoise que jamais! Cinq voitures filaient sur la route dès six heures du matin, avec l'objectif de déjeuner d'une bonne soupe aux nouilles au coeur du Chinatown que je visite pour la première fois. J'avais déjà passé à quelques reprises à Toronto dans les quinze dernières années et monté à la tour CN, il y a vingt-quatre ans. Mais hier, c'était le rendez-vous au coin de Dundas et Spadina, avec les noms de rues dans les deux langues (anglais et chinois). Naturellement mes petits québecois de fils protestent, ils auraient préféré y voir du français!

La soupe aux nouilles était dans un bol énorme et elle était bonne! Les rues débordent d'étalages de fruits tropicaux que je ne saurais tous vous les nommer. Je ne sais pas comment nous avons réussi à trouver un coin d'estomac de libre pour goûter à tout. Que dis-je, plus que goûter, nous nous sommes gavés! Sans oublier de boire du jus de coco frais, directement de la noix de coco, bien sûr! Toutes ces couleurs, même criardes, des chinoiseries et bagatelles de plastique, qui éclatent ça et là. Des bijoux d'un or très jaune, des statues et des vases chinoises. De la production en série si hâtive que la peinture barbouille gauchement sur les figurines grossièrement moulées. Mais aussi des finesses et de la beauté dépouillée.

Sur le trottoir, de très vieilles chinoises vendent quelques légumes frais qui proviennent peut-être d'un tout petit bout de plate-bande. Dans les boutiques, beaucoup de commerçantes viêtnamiennes! Il paraît que les viêtnamiens n'ont réussi à y prendre pied que depuis que plusieurs commerces chinois sont partis conquérir les rues de Mississauga, une banlieue cossue de Toronto. À même leur camionnette, toutes portes béantes, rangée le long du trottoir, j'achète d'un couple de viêtnamiens, trois coussins de forme cylindrique ( un mètre de long, vingt-cinq centimètres de diamètre) pour chacun de mes fils. J'en possède déjà un, tout vieux, tout mou, qui venait du Little Saigon, le quartier viêtnamien de San Francisco (ou de Los Angeles, je ne sais pas vraiment!). Ma mère en a confectionné un, pour ma fille. Mais ceux-ci sont si doux et si beaux que j'ai acheté sans marchander! C'est une gâterie que d'avoir un coussin comme ça dans son lit, surtout pour celui qui dort seul! Quelque chose à serrer dans ses bras et ses jambes, coucher sur le côté! Mes fils sont tout contents d'avoir leurs "saucisses" (selon leur appellation!). Ils me demandent déjà une housse différente pour chacun, mon plus jeune tient même à choisir le motif et le tissu!

Nous avons ensuite filé vers Niagara Falls pour prendre possession d'une enfilade de chambres au Sheraton. À la blague, mon mari disait qu'il n'ira pas à Niagara Falls, ancien paradis des lunes de miel, à moins d'avoir une chambre avec lit en forme de coeur, miroir au plafond et tout ce qui va avec. Je ne sais pas si le cliché tient toujours mais sur place, je ne vois que des familles, armées de poussettes et de biberons! Nous avons ignoré la rue commerciale, marché jusqu'aux abords des chutes le même soir et visité une pagode chinoise le lendemain, c'est-à-dire ce matin! J'ai fait l'acquisition d'une très grande effigie de Bouddha qui sera vénérée chez moi, en ville ou à la campagne, je ne sais pas encore.

La pagode "des dix mille bouddhas" est à deux minutes des chutes, sur le River road, qui longe la rivière Niagara. Mis à part des milliers de statues et statuettes de bouddhas, la pagode est très simple, même dépouillée. Mais un gigantesque temple en construction s'élève juste à côté. Il faut que je retourne le visiter l'an prochain. Dans cette pagode, j'ai formulé un désir longtemps aspiré, mais bientôt mis en application: je me mets à l'apprentissage du mandarin! Et je visiterai l'île de Taiwan et la Chine d'ici cinq ans!

Au retour, nous nous sommes encore arrêtés à Toronto pour une autre soupe, celle-ci viêtnamienne, avec des nouilles au riz. Cette fois j'ai trouvé la statuette de Lady Bouddha, d'un blanc nacré, finement ciselée. Et aussi, une toute petite théière en terre cuite avec quatre minuscules coupes. La boutique où j'ai trouvé ces dernières acquisitions vend des centaines de sortes de thé vert et une variété de formes de théières. Les commerçants sont une famille de chinois dont le père veille sur sa basse-cour comme un coq, arpentant la boutique de long en large, jusqu'au trottoir de la devanture. La mère veille aux clients (en fait, à la cliente, j'y étais seule!) dans un anglais approximatif. Mais elle est aidée par son aînée, une jeune fille de douze ou quatorze ans qui est le porte-parole officiel. Elle me fait penser à moi-même, plus jeune, au comptoir de la pharmacie, avec ses cheveux longs ramenés en arrière par une grosse barette, son air sage, ses paroles de vendeuse, vantant la finesse de la terre cuite. La cadette n'est pas loin, aidant comme elle peut, en allant chercher la boîte pour la statuette, par exemple. Le fils, héritier au "trône", fait très sérieux avec ses lunettes à monture noire. Du haut de ses dix ou douze ans, il m'expliquait comment faire infuser l'échantillon de thé que sa mère mettait dans ma théière. C'est clair, il fait l'apprentissage du commerce familial! Ils me sont si sympathiques que je retournerais à Toronto rien que pour les voir! En me mettant au mandarin, peut-être pourrais-je apprendre aussi à déguster le thé!

Mes cousins sont repartis directement vers Washington. Nous retournons à Montréal, satisfaits des derniers quarante-huit heures. Mes fils étaient déçus de la tour CN mais enchantés de leur ballade sur le "Maid of the Mist", le bateau qui les amène tout proche des eaux qui grondent et dans le brouillard humide des chutes. Moi, je n'y étais pas en touriste mais en orientale bouddhique. Sur la route du retour, nous sommes redevenus une famille nucléaire: papa, vigilant sur la route mouillée d'une pluie qui ressemble plus à un crachin d'orient qu'à une pluie d'été d'occident. Maman, pense au retour, au ménage, aux préparatifs du mariage, qui se déroulera bien sûr, comme prévu, avec son lot d'imprévus, comme escompté! Les garçons s'attardent dans l'enfance, se chamaillent, comme pour se garder la main à ce sport innocent. Nous nous sommes attardés dans une halte, sur le bord de l'autoroute, à manger notre repas du soir (du poulet que les garçons ont dévoré!), à savourer nos cornets de crème glacée, à jouer aux machines à boules. Entre deux villes, plus tout à fait partis, sans être encore revenus! Suspendus entre deux vols, toute notre vie devant nous, fiers de notre passé lointain et immédiat!

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