02 février 2000
Le temps s'en va , madame...

Je suis presque surprise que nous soyons déjà en février. En cherchant la date de la prochaine journée pédagogique de mon plus jeune, pour nous concocter une sortie à deux vers mon refuge, j'ai réalisé que je pensais à une date plus lointaine que ça. Je ne m'en plains pas de janvier qui fut riche en rebondissements et en émotions. Mais déjà, c'est chose du passé. Je trouve déjà que toute cette tempête est futile. Je me trouve déjà moins crispée, plus fataliste (pas dans le sens de subir quelque chose, mais dans le sens d'accepter ce qui s'en vient avec sérénité). J'ai l'air de dire que beaucoup de choses vont arriver... Mais c'est pas plus que ce qui vous arrive ... La vie continue, pour vous, pour moi, simple si on la voit simple, compliquée si on la voit compliquée. Disons que je travaille à la voir simple. Pourquoi faut-il que j'y travaille? Parce que je crois que je suis de nature complexe et que je commence à croire que ça ne vaut pas la peine de faire son propre show, avec soi-même comme seul spectateur, tous les jours, chaque jour, pour le reste de sa vie. J'apprends donc à rester béate devant la vie c'est-à-dire être heureuse à l'instant présent, pour l'instant présent, sans interpréter le passé ni interpeller l'avenir. Égrener les jours comme on égrène un chapelet. Retenir mon souffle pour mieux ouvrir tous les sens de perception et de réception. Percevoir et recevoir sans filtrer avec l'expérience passée ni composer au futur.

Je suis frappée du respect et de la puissance de ce véhicule qui est la communication en ligne. Transmettre mes idées à des gens qui vivent de l'autre côté de la terre me semble encore une grâce. Témoigner de ma vie à ces gens qui me sont inconnus, mais de qui je ne suis pas tout à fait inconnue, me semble encore un miracle. Il y a trente ans, le téléphone n'était pas dans ma maison (il fallait faire la queue au bureau de postes pour téléphoner dans une cabine de bois, à peine privée, où il fallait parler fort mais pas trop, tout dire en peu de temps sans gaspiller de mots!). Depuis vingt-quatre ans, j'ai le téléphone à portée de main sans être capable de bavarder, me confier ou fraterniser par ce moyen. Mes communications téléphoniques sont souvent brèves. Mais l'Internet? Déversoir du trop plein! témoin de nos peines et nos joies, de notre vie au quotidien! collecteur d'informations, certes, mais surtout, confesseur des âmes! Peut-être que certains y fabriquent une personnalité, beaucoup se censurent. Dans mon cas, j'essaie parfois de ne pas être inélégante (comme dans la vraie vie!) ou de ne pas passer des messages à mes proches (fille et époux) qui me lisent. Pour le reste, je suis ce que je suis. Vraie. Comment ne pas être vraie quand on s'ouvre chaque jour. Une vraie source ne tarit pas. Seule une fabrication s'écroule après un certain temps.

Depuis quelques semaines, entre les lignes et dans les lignes de la presse écrite, nous sommes de plus en plus placés devant le fait que l'économie prend des envolées non prévisibles par l'expérience passée,que la bourse grimpe dans des hauteurs vertigineuses même pour les initiés, que le pouvoir réel tangue entre les vieux routiers et de parfaits inconnus il ya six mois, que les gens oscillent entre des comportements appris et des réactions surgissant de l'instinct, comme de nulle part, que les virus sont de plus en plus incontrôlables, que les moyens entrepris pour les dompter sont de plus en plus massifs et que le singe, cousin de l'homme, est cloné avec succès. Et son âme, y avez-vous pensé? Et les fils du web seront partout bientôt, dans un bijou, votre montre, dans vos lunettes, et quoi encore? Tout ça me dit que nous vivons tous sur la pointe des pieds, de peur d'être responsable d'un déséquilibre provoqué qui fera s'écrouler autour de nous, en réel ou en virtuel, un monde insoupçonné...

J'ai encore la moitié de ma vie devant moi pour témoigner d'un monde insoupçonné que ne je saisirai pas si je ne retiens pas mon souffle, tout en me tenant à niveau ...

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