20 mai 1999 Bonheur d'occasion et Princesse abitibienne
C'est la deuxième fois que j'écris cette entrée. Vous savez que je fais à la lettre (enfin, mon possible!) selon un guide que ma fille m'a fait. Bref, j'essaie de ne pas me tromper, mais il est arrivé ce qui est arrivé. Écrire mon journal comme d'habitude, tard le soir, ce n'est pas très rassurant. Déjà à moitié dans les songes, comme ce qui était arrivé probablement, je n'ai pas sauvé correctement mon très long texte d'aujourd'hui. J'étais si découragée que je voulais annuler toute l'entrée d'aujourd'hui, mais j'ai trop de belles choses à vous raconter... Je me reprends donc: (tant pis pour le premier jet qui s'étais perdu dans le cyberspace:-(
Donc, la veille, nous avons amené les trois garçons voir le nouveau Star Wars. Une inspiration de dernière minute nous fait passé au Quartier latin, le tapage publicitaire nous disposant à craindre files d'attente et bousculades. Quel étonnement de se trouver quelques minutes plus tard, avec une lisière de cinq petits billets précieux. Les garçons piaffaient d'excitation. Nous avions juste le temps d'aller manger un morceau. Portrait de famille tout à son bonheur d'occasion: mon plus jeune fils ne pouvait contenir ses singeries d'enfant, intercalés avec ses poses de presqu'adolescent. Mon mari marchait, solide comme un chêne, entre les jumeaux qu'il domine encore d'une tête. Moi, je bourdonnais de l'un à l'autre, sans pouvoir ni vouloir m'abstenir de les frôler d'une caresse à l'épaule, à l'avant-bras ou à une joue. Si je suis chanceuse, ils me laissent les embrasser à la façon de chez nous, c'est-à-dire d'une inspiration par le nez posé (les narines bien appuyées alors ça fait comme une succion) sur leur joue, tempe ou front. En fait, je me retiens de les embrasser en public. Ils sont gênés de toute cette démonstration. Comme ma fille qui me repousse toujours quand je la tiens par la main ou quand je lui prends le bras (Ah, il me semble qu'elle se laisse faire plus maintenant).
Je pense à cette fois-là, il y a plus d'un an. Nous avions amené les enfants "bruncher" un dimanche dans un hôtel du centre-ville. Comme d'habitude, je me penchais et les touchais un peu, ou me levais pour m'approcher de celui à l'autre bout de la table pour lui parler à l'oreille. Je ne me souviens pas exactement de ce que je faisais. Mais quand nous nous étions levés pour partir, la gérante s'était approchée, elle s'était présentée à moi et me disait à peu près ceci: "Madame, je vous vois depuis tout à l'heure, moi aussi, j'ai des enfants. Vous dégagez tellement d'amour. Vous avez une belle famille. C'est beau de vous voir." Et elle m'aidait à mettre mon manteau! Les enfants ont bien sûr tout entendu. D'habitude, je les gêne peut-être. Mais cette fois-là, ils étaient tous sortis avec un demi-sourire aux lèvres, l'air digne et fier.
Ces moments , ces occasions de bonheur constituent tout mon petit bonheur tranquille. J'espère et je suis sûre qu'il existe d'autres recettes pour le grand Bonheur, ou plutôt pour bien des petits "b". Mais je ne peux vous parler que du mien. Je vous demande bien humblement, savez-vous où se trouve votre petit "b"?
Avant, j'étais souvent gênée de mon petit "b", comme si c'est moi qui empêche les autres d'avoir leur petit "b". J'en ai trop, c'est pourquoi les autres n'en ont pas. J'ai appris avec le temps que ce n'est pas vrai. En exprimant simplement mon petit "b", je l'enrichis et je donnes l'exemple à d'autres. Si mon petit "b" heurte les sensibilités de quelqu'un, je crois bien qu'il en ressent quand même les ondes bienfaitrices. Peut-être que c'est la somme d'une multitude de petits "b" qui fait le grand "B". Tous les petits "b" s'équivalent. Il n'y a pas mieux, ni moins bien, etc...
Ça me fait penser à ces grands panneaux publicitaires des Caisses Desjardins: "Mon gérant de banque est plus gros que le tien." Avec la photo d'un jeune morveux l'air niaiseux. Est-ce qu'ils prennent leurs clients pour des éternels morveux et simplets? Quel exemple de société!
De mon petit bonheur tranquille de la veille à aujourd'hui, quel grand pas! La princesse abitibienne est née. Non, ce n'est pas un personnage du nouveau StarWars. Mais ma fille qui vient de se faire offrir un emploi d'été dans son domaine d'études... en Abitibi, à la Baie James ou dans le Grand Nord! Elle qui ne connaît que le gardiennage d'enfants et la vente au comptoir d'une parfumerie à temps partiel! Sur le coup, c'est tellement é-n-o-r-m-e que toutes les deux nous avons opté pour l'Abitibi parce que c'est moins loin et que je pourrai toujours aller la voir. Mais d'abord, expliquez-moi, s'il-vous-plaît, où se trouve l'Abitibi et comment je me rends. Elle doit donner une réponse demain et elle partiras bientôt! Je ne crois pas qu'elle va refuser, elle est toujours si brave, même toute petite! Brave mais douillette, ma poupée. J'ai hâte d'être fixée demain.
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